De notre envoyé spécial à Vaires-sur-Marne,
Avec Nicolas Gestin, la France empoche la quatrième médaille d’or de ces JO 2024. Les plus chauvins du Finistère préfèrent dire que la Bretagne remporte sa première breloque. La cohorte de Bretons présents ce mercredi à Vaires-sur-Marne pour voir vaincre leur héros du canoé disait tout du rapport très local que gardent même les triomphes les plus planétaires. Inévitables drapeaux bretons ou kop du Finistère ont volé le show tout l’après-midi. Un temps, on s’est demandé si La Marseillaise allait être remplacée par J’entends le loup le renard et la belette au moment du podium.
«C’est la plus belle des victoires de ces Jeux», peinait à décrire Dimitri, originaire de Brest, les yeux dégueulant encore des larmes. Parce que cette victoire, «c’est celle d’un gars de chez nous, comme nous, l’un de nous, et c’est donc notre victoire.» Bien sûr que la fibre patriotique a vibré pour la bande du Seven ou quand Léon Marchand s’est transformé en dauphin hier soir. Mais aujourd’hui, c’est le cœur qui s’est enflammé. «Ça n’a rien à voir».
«On monte à Paris, on prend le titre et on se casse»
Sur les victoires nationales, on compte deux stars toulousaines – Léon Marchand & Antoine Dupont (même si on n’oublie pas ses copains), Pauline Ferrand-Prévot, égérie de la Champagne, et donc un Breton. L’occasion de rappeler la citation de l’Historien Fernand Braudel: «La France, ce sont des France différentes qui ont été cousues ensemble».
Et parce que ces Jeux français se passent – sans aucune surprise ni esquisse de débat national – à Paris, les champions régionaux sont forcément l’occasion de faire la nique à la capitale. Corentin, supporter de Quimper sur place: «D’habitude, c’est les Parisiens qui viennent chez nous, se plaignent de la météo, salissent nos plages et repartent. Là, on monte chez eux, on prend le titre et on se casse. C’est encore plus divin.»
«On gagne deux fois. Une fois pour la France, une fois pour la région»
Thibault, qui s’enflamme d’habitude sur les victoires du Stade Toulousain sur Twitter, partage l’analyse: «On est considéré comme la région sympa avec l’accent rigolo en bas de la carte, le fameux ''terroir''… mais force est de constater que ce ''terroir'', lui, il a formé le meilleur nageur et le meilleur rugbyman du monde – et bientôt de l’histoire.»
Lui-même se décrit comme supporter toulousain et français – ordre bien entendu volontaire. Il l’assure: «On gagne deux fois quand un athlète français, de surcroît toulousain ou affilié à la région, par son parcours ou ses origines, comme Antoine Dupont ou Léon Marchand gagne. Une fois pour la France. Une fois pour la région», même si le CIO ne validera hélas pas nos médailles compte double dans le classem*nt des nations.
Un savoir-faire local dans la manière de gagner
Qu’importe pour le fan: «Il y a ce côté ''Toulouse influence la France, la France influence le monde''». D’autant qu’il voit dans la manière de gagner un savoir-faire bien de chez lui. «Il y a une culture de la gagne, mais surtout une culture de la manière», faisant un rapprochement entre le ST qui joue encore à la baballe à la 82e minute d’une finale largement gagnée, et Léon Marchand qui plante ses adversaires de six secondes dans le bassin.
Les victoires locales apportent une dernière saveur inégalable: se foutre de la gueule des régions ''rivales''. «On n’a toujours pas de ligne à grande vitesse, mais nous, on a Dupont. Et toi Bordeaux?», raille directement Thibault. Même vanne adaptée par Corentin: «Qu’on soit clair, la Normandie n’a NI le Mont Saint-Michel, NI Nicolas Gestin.»
«C’est avant tout une victoire de la France», désolé
La fibre locale, pour le meilleur et pour le pire. Fiona admet d’être jamais aussi déçue d’une défaite que quand l’athlète est lyonnais. Et nous-même, ayant fait nos études à Montpellier, on se met à croire plus que de raison que l’un des deux frères Lebrun, enfant du pays, va renverser tous les Chinois sur sa route pour décrocher l’or.
Avant de voir un Montpellierain sur le toit du monde – on maintient qu’on y croit, on a quand même demandé à Nicolas Gestin ce qu’il pensait de tout ça. «C’est bien sûr aussi une victoire de la Bretagne, et j’étais très content et ému de voir tant de proches ici. Mais c’est avant tout une victoire pour la France, pour un système fédéral, pour une organisation qui m’a permis ce succès. Maintenant, on va tous kiffer», Bretons, Toulousains, Alsaciens. La France, c’est 1.001 coutures différentes. Mais c’est avant tout la France.